Black Mirror : futur technologique et cauchemar médiatique

Dystopique, talentueuse et effrayante, la série d’anthologie britannique de Charlie Brooker dénonce, très souvent brillamment, les dérives technologiques d’un monde moderne, ultra connecté, soumis à ses angoisses et ses contradictions. Elle décrit une société malade qui orchestre son propre asservissement à la technologie et qui se retrouve propulsée dans son addiction consentante et cauchemardesque.

Charlie Brooker, journaliste, réalisateur et animateur britannique, a fait ses armes avec la mini-série Dead Set, où apocalypse zombie et plateau télé s’unissent pour devenir un véritable pamphlet contre la téléréalité.

Avec Black Mirror, il écrit un critique acerbe de notre société, flirtant délibérément avec des thèmes dignes de ceux de K. Dick, Orwell ou encore Huxley – dystopie oblige – et livre jusqu’à présent sa série la plus aboutie bien que, malheureusement parfois inégale.

Dystopie anthologique


Comme la plupart de camarades anthologiques, citons par exemple The Twilight Zone dont la version 2019, présentée par Jordan Peele, a récemment fait son apparition sur nos petits écrans, l’horreur et la science-fiction permettent d’exposer les dérives d’une société malade.

Propulsés dans un futur proche ou un avenir lointain, où écrans, émissions, réseaux sociaux et nouvelles technologies sont des personnages à part entière, et constituent la base substantielle de l’intrigue, nous assistons, impuissants, aux diverses angoisses générées par l’infirmité d’une société moderne aliénée par la surconsommation médiatique.

Saison par saison, Black Mirror devient plus mature et profonde, mais comme toute série qui perdure, elle a également son lot de fausses notes.

Avec ses deux premières saisons, dérangeantes scandaleuses et visionnaires, Charlie Broker livre tout en sarcasme une série désagréablement fabuleuse. Confrontés à notre voyeurisme primaire il nous met face à nos contradictions, nous poussant dans nos limites les plus sadiques, où nous sommes tous les premiers à déclarer « non, mais jamais je ne ferai ça, moi ». Pourtant la question se pose et la série ne serait pas si dérangeante autrement.

Plus subtile et nuancée


La saison 3 gagne en subtilité et en nuances et, malgré quelques inégalités, contient deux trois pépites, comme Chute Libre, Playtest ou encore San Junipero. Toujours aussi critique, dure et sans vergogne, la série s’adoucit parfois d’un épisode à l’autre, pour replonger ensuite le téléspectateur dans une conclusion à la violence sans précédent.

En fait, les fans de la série aiment le malaise qu’elle procure. Que dire de l’épisode 1, le pilot qui pose les bases d’une oppression médiatique et où l’intrigue repose sur le premier ministre britannique qui doit avoir des relations sexuelles avec un truie en prime time pour sauver la princesse kidnappée d’une mort certaine. On oscille entre une critique et pied de nez envers une politique très Anonymous et la dénonciation du peuple adorateur de scandale qui se réunit pour assister à ma déchéance programmée de cette figure de l’autorité. Notre voyeurisme ordinaire est mis à rude épreuve.

Ca part en cacahuètes…


Dès la saison 4, ça part dans tous les sens. La série commence à emprunter un terrain glissant dès la et l’inégalité des sujets, des épisodes et de certains scénarios se fait vite sentir. Si Black Mirror aurait pu – aurait dû – rester LA série contestataire du XXIème siècle, elle souffre malheureusement de son propre essoufflement. Certains épisodes de la saison 4 – on oubliera volontairement la 5ème qui n’a pas su sortir son épingle du jeu – sont parfois extraordinaires, comme Hang the DJ ou encore Black Museum. Mais globalement c’est la déception, exacerbée par cet épisode interactif, Bandersnatch, proposé par Netflix, dont l’idée de départ était assez bonne mais dont le scénario, trop pauvre et écrit avec les pieds, a suffi à en faire l’épisode de trop. Cet épisode dont vous êtes le héros mais qui malheureusement ne propose pas de réalité alternative en fonction des choix du spectateur.

Avec trois premières saisons hautes en couleurs et contestation, Black Mirror fait partie des séries novatrices et très en vogue, à raison. Malheureusement avec un tel démarrage, on en attend beaucoup et la déception est à portée de main. Une déception concrétisée dès la saison 4 et qui atteint son paroxysme avec la saison 5. Cependant, malgré mon avis mitigé, rien ne m’empêchera d’attendre avec impatience une nouvelle saison et de la visionner avec passion.