1917, la puissance du choc visuel

Ce film d’envergure exceptionnelle a suscité en moi d’intenses émotions. Impossible pour moi de les écrire et les transmettre directement après. Il existe de ces films qui vous imposent une réflexion. Il m’a fallu « digérer » tout ça et reprendre une dimension intellectuelle pour primer sur cette émotivité exacerbée.

Long-métrage de Sam Mendes sur un épisode de la première guerre mondiale, ponctué de têtes d’affiches et de comédiens connus du paysage anglo-saxon, ce film oscille entre prouesse technique et profondeur scénaristique.

Sam Mendes est connu outre-atlantique pour sa façon particulière de magnifier l’horreur. Je dirai même qu’il a ce je-ne-sais-quoi qui lui permet de sublimer la banalité quotidienne. On a pu le constater avec ces films comme American Beauty, où la dépression d’un insignifiant habitant de banlieue américaine de cinquante ans (génial Kevin Spacey) se voit presque idéalisée à travers le prisme lumineux d’une caméra indépendante.
Les Noces Rebelles, également, film qui réunit, 10 ans après, les ô combien adulés (et frigorifiés) Kate Winslet et Léonardo DiCaprio, dans le portrait commun, presque vulgaire, d’un couple marié des années 50 qui bat de l’aile et ne sait pas comment s’en remettre.

Dans 1917 on suit avec ferveur Blake et Schofield, ces deux soldats de première classe de l’infanterie britannique qui, ont deux jours pour mener à bien leur mission, à travers tranchées et obus. Ils doivent coûte que coûte avertir un autre régiment que l’assaut qu’il s’apprête à lancer va mener les 1600 âmes concernées droit à leur mort.

Une odyssée où la beauté est ravagée.


L’intégralité du film est un savant mélange d’extrême violence et de calme intense. Le calme avant (ou après) la tempête. Des instants très doux, visuellement et émotionnellement, des scènes très rudes. Un enchaînement d’émotions où la puissance s’imbrique avec une certaine sérénité.

Ma scène préférée se passe de nuit, dans un petit village français. Cette scène pour moi résume, avec le brio dont sait faire preuve M. Mendes, toute la beauté et l’intensité du film. On est plongé dans une œuvre étincelante, presque fantasmagorique, picturale, qui prend aux tripes.

Réalisme et fantastique se mêlent pour donner place à un tableau expressionniste, proche de la merveilleuse torture psychologique suscitée par un Van Gogh.

Une technique extraordinaire


A ça s’ajoute la prouesse technique de Mendes qui transcende la détresse, la peur et le courage : tourner l’intégralité du film en un seul plan séquence.

Les figures dirigeantes militaires, allégories d’une hiérarchie sporadique et éphémère, enrichissent cette fresque par leur capacité à se mettre en second plan. Andrew Scott, Colin Firth, Benedict Cumberbatch, Marc Strong, acteurs de haut vol britanniques sachant mêler beauté, jeu et intelligence, s’effacent pour laisser l’oeuvre s’exprimer d’une seule et même voix.