Blade Runner

A quoi reconnait-on un bon film ? Pour moi, c’est un film qui, malgré les années qui passent, on prend toujours plaisir à revoir. Les exemples fusent mais souvent bon film se mélange à souvenirs de gosse émerveillé et certains films sans prétentions deviennent, par la force des choses, des films plus ou mois mythiques.

A quoi reconnaît-on un chef d’œuvre ? Comme dirait mon père c’est un film qui n’a, objectivement, pas pris une ride. Tu le revois et là tu te reprend une claque en pleine face. Normalement, en toute logique, il n’en existe que très peu. Evidemment, chacun est différent et n’aura donc pas le même jugement sur le même objet, donnée que David Hume prendra en compte dans sa théorie philosophique de l’esthétique dans l’art. Il dira d’ailleurs que l’idée de beauté est une projection du plaisir que produit un objet. Mais je m’égare à nouveau, revenons à nos moutons, c’est l’occasion de le dire.

Réalisé par Ridley Scott et adapté de la nouvelle de 1966 de Philip K. Dick « les androïds rêvent-ils de moutons électriques ? », sorti en 1982 et porté par la star du moment, le bien nommé Harrison Ford, ce film a ceci d’explosif qu’il sait retourner le cerveau de tout amateur de SF. Intelligent, beau dans ses atrocités, une chose est sûre, Blade Runner est une œuvre artistique d’esthétique, à tous niveaux : esthétique visuelle, esthétique scénaristique, esthétique sonore…

Ridley Scott est un dieu. Le mien et celui d’autres, sans doutes. Peu de réalisateurs peuvent se targuer d’être de ces références qu’on suit les yeux fermés, malgré quelques ratés récents qui peuvent remettre en question ce statut jusqu’alors incontesté et incontestable. Prometheus, on ne t’en tiendra pas rigueur. Réalisateur émérite, il a su se constituer une véritable identité visuelle et, aller voir un film de Ridley Scott c’est savoir d’avance qu’on va en prendre plein la vue ! Passé maître en matière de SF il excelle aussi dans les péplums, magnifique Gladiator, les drames féministes, exceptionnel Thelma et Louise, les thriller psychologiques, Avant d’Aller Dormir, la série politique satyrique, excellent Braindead, et j’en passe. Oui, vraiment, Ridley Scott est mon dieu !

Et cette glorification remonte à cette fois où ma mère a enfourné cette cassette vidéo dans le magnétoscope. Pas bien vieille à l’époque, je devais avoir dans les 10 ans, je regardé avidement ce film de grands, que ma mère, mon role model à l’époque, m’autorisait dans sa grande mansuétude à regarder. En plus le garçon manqué que j’étais à l’époque était en pleine période Harrison, entre les Indiana Jones et autres Star Wars. Et la claque visuelle je me la suis mangée.

Qu’est-ce qui fait de nous des humains ?


Esthétique donc, indéniable qui plus est, la beauté de Blade Runner ne s’arrête pas à de belles images qui se succèdent. Le scénario, grandiose évidemment, s’articule autour d’une dualité complexe, la différence entre les humains et le réplicants, ces androïdes, fondation du film, qui se rapprochent finalement plus du clone humain que du robot humanoïde.

Evidemment, le réplicant n’est qu’une pâle copie, relégué à ce stade proche du néant, considéré comme la lie de l’humanité. Pas sans rappeler les heures les plus sombres de notre Histoire, pas si lointaines d’ailleurs, la question se pose alors : qu’est ce qui fait de nous des humains ? L’empathie ? La tolérance ? Les sentiments, en somme ?

Que le film y réponde ou non n’a finalement que peu d’importance. La réponse importe moins que la question redondante : Qu’est ce qu’être humain ?

Mélancolique et beau, je me répète, le film nous plonge dans une profondeur abyssale et nous voilà confrontés au pure talent. Rutger Hauer, ce génie poétique et cette phrase qui résonnera dans nos oreilles à jamais et ne se perdra pas dans l’oubli, comme les larmes dans la pluie. Ces looks improbables, rock et 80’s, qui nous filent autant de frissons qu’il nous fascinent. Ces nanas fortes et fragiles, parfaites et imparfaites. Humaines finalement ?

Et c’est bien tout ce qui donne son âme au film, précurseur à bien des égards. Un de ces films à voir et à revoir sans aucune, aucune modération !