Dans leur regard : racisme absolu d’une Amérique puritaine

Ava Duverney, scénariste afro-américaine, n’en est pas à son coup d’essai pour dénoncer ce racisme gangrénant, systémique et omniprésent dans une Amérique qui, rappelons-le, a mis officiellement fin à la ségrégation raciale, il y a 56 ans. C’est elle qui a réalisé le très bon Selma, biopic consacré à la campagne de Martin Luther King Jr pour le droit de vote des noirs aux USA, à travers une marche pacifique, en 1965, de Selma à Montgomery, en Alabama.

Fervente défenseuse et farouche militante pour la cause des noirs américains , elle a choisi le cinéma pour faire entendre sa voix. Et elle le fait bien ! Avec Dans Leur Regard, Ava aborde une affaire judiciaire qui a ébranlé la communauté afro-américaine et, plus généralement, l’Amérique toute entière, à la fin des années 80, à New-York.

1989, Central Park, une bande d’ado s’amuse et chahute jusqu’à l’arrivée de la police. Un corps est retrouvé, une joggeuse blanche, violée et massacrée, c’est là que tout bascule. Kevin Richardson, Antron McCray, Yusef Salaam, Korey Wise et Raymond Santana, quatre jeunes afro-américains et un hispanique, se retrouvent arrêtés par une police zélée et agressive, puis accusés d’un crime qu’ils n’ont pas commis.

Interrogés pendant des heures, contraints d’avouer, effrayés et piégés… L’histoire, vraie, a ébranlé l’Amérique pour la simple et bonne raison qu’elle reflète ce racisme ignoble qui fait rage au sein de la police d’un Etat qui se veut de droit.

Procès absurde et enfer carcéral

Les ados, encore naïfs et enfantins, nous font ressentir leur malaise douloureux quant à une arrestation injuste : accusés de viol quand ils ne savent même pas ce que ça veut dire. Considérés d’office comme des moins que rien, ils représentent facilement l’insécurité qui se propage dans le New-York des années 80. Les parents, tristes et paumés, conscients de leurs conditions dans une Amérique profondément raciste, les poussent alors à se ranger du côté des flics en disant ce que les enquêteurs souhaitent entendre.

Apeurés, ils se retrouvent alors jetés en prison et, des années plus tard, finissent par être disculpés. Mais la prison laisse des traces. Et face à l’impossible réinsertion nous ne pouvons que constater comment le système, régi par des suprémacistes blancs racistes et xénophobes, pousse à la récidive, comme pour se donner raison…

Encore d’actualité

Malheureusement, toutes les histoires qu’Ava a choisi de porter à l’écran, si elle sont révolues, sont encore d’actualité. Les Cinq de Central Park, comme on les a tristement surnommés, ont fini par être disculpés de leur accusations, après maintes manifestations en leur faveur et, surtout, après plusieurs années de prison. Martin Luther King Jr a été assassiné et, malgré l’abolition de la ségrégation, il semble être décédé pour rien, car encore aujourd’hui des hommes et des femmes meurent, en 2020, dans un pays riche et, à priori, éduqué, tué par la police pour leur simple couleur de peau.

Il est temps d’élever la voix pour s’insurger, encore et encore, de cette injustice flagrante et répugnante qui règne en maître outre Atlantique. Rappelons que les afro-américains représentent, depuis 1989, 47% des déclarations d’innocence après erreurs judiciaires. N’oublions jamais tous ces morts, Eric Garner, Michael Brown, Laquand Macdonald, Stephon Clarke, Trayvon Martin dont le décès en 2012 a initié le mouvement #BlackLivesMatter.

Il n’avait que 17 ans et ne portait pas d’arme quand il a été tué dans la soirée du 26 février 2012 à Sanford, en Floride. Sorti à pied en début de soirée pour acheter des friandises dans une épicerie, il est aperçu sur le chemin du retour par George Zimmerman, un homme de 28 ans qui patrouillait en voiture pour simplement surveiller le voisinage. Il a immédiatement suspecté le jeune garçon, l’a suivi et appelé la police mais une altercation a éclaté avant que les agents n’arrivent : George Zimmerman a abattu Trayvon Martin d’une balle dans le ventre.

Et plus récemment, la mort de George Floyd, tué par un policier, depuis renvoyé et inculpé, car suspecté d’avoir payé avec un faux billet.

Depuis la sortie de la mini-série sur Netflix, fin mai de l’année dernière, cette fiction la plus regardée aux Etats-Unis a généré une véritable onde de choc qui a déstabilisé bon nombre des vrais acteurs du drame. L’ex-procureur de l’affaire qui devait visiblement publier un livre a été lâché par son éditeur et l’avocate générale de l’affaire a depuis démissionné de l’université de Columbia où elle enseignait.

Je n’ai qu’un mot à dire : Cheh !