Emily in Paris

Petite nouveauté Netflix signée Darren Star, cette étoile incontestée des séries des années 90 avec la création de, notamment, Beverly Hill 90210 et Sex and the City, on suit ici les tribulations d’une jeune femme dynamique et souriante de Chicago, partie travailler un an dans une agence de marketing française que sa firme américaine vient de racheter. Avec ses serveurs imbuvables, ses clopeurs invétérés, ses dragueurs snobinards, Lily Collins se retrouve parachutée, ne parlant pas un mot de la langue de Molière mais des étoiles pleins les yeux, dans la Ville Lumière, avec choc des cultures et clichés à la pelle au rendez-vous…

Dans les séries américaines, Paris ressemble à une carte postale des années 50, une savant mélange entre le Paris d’Amélie Poulain et celui de Ratatouille. Avec couleurs et lumières scintillantes, version longue de la pub pour La Vie Est Belle, où les héros et héroïnes passent miraculeusement du Pont des Arts à Montmartre, dans des rues rutilantes, pour nous en mettre plein la vue et les oreilles avec accordéonistes à bérets, cafés vintages en bord de Seine et marchés animés. Ils rencontrent souvent des autochtones, au café de Flore ou au Deux-Magots (pour le cliché again), qui vivent leur meilleure vie et les invitent à de chics vernissages en tout genre, des fêtes tumultueuses au dernier étage d’un immense appartement avec vue imprenable, et qui leur dépeigne un Paris so wonderful que, nous, parisiens, avons du mal à reconnaître.

Les deux derniers épisodes de Sex and the City, signés Darren again, restent un sommet du genre, dans ce Paris lumineux et merveilleux, en pleine Fashion Week. C’est donc par amour pour la capitale française que Darren a décidé d’y tourner l’intégrale de sa nouvelle série, sans éviter de glisser sur cacas de chiens et stéréotypes parisiens.

Caricature grotesque et superficielle


Tout est caricatural donc, de la joie de vivre et happy face so american, au mépris non feint des parisiens. Tout le monde est extrêmement beau, ou riche, intellectuel, chef cuisinier, artiste… Et nous voici devant une kyrielle de poncifs, préparez-vous à les voir défiler sans fin. Absence d’ascenseur et un immeuble ancien, merdes de chien sur le trottoir, sportives fumeuses, boulangerie à devanture 1900, mode de vie tellement français, où l’on voit bien comment nos amis d’outre-Atlantique nous perçoivent : arrivée tardive au bureau (pas avant 10h30, s’il-vous-plaît), pauses déjeuner extra-longues, restaurant tous les soirs, principe de plaisir dominant le principe de réalité, en somme. Une vision du french way of life qui s’apparente à l’insulte premier degré. Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.

Ici, nous sommes donc tous méchants, pédants, arrogants, feignants, des séducteurs incorrigibles pour qui le concept de fidélité n’existe pas, sexistes et rétrogrades, avec une vision bien particulière du courant #MeToo. Il faut une sacré dose d’autodérision pour continuer à regarder une série meringuée qui nous fustige sans concessions.

Mais si on y regarde de plus près, on sent tout de même un certaine hymne à l’amour, au romantisme, à notre ville qui, malgré quelques mauvais travers, reste filmée avec une bienveillance chaleureuse et une naïveté aussi énervante qu’attendrissante.

La série se regarde donc et s’apprécie aussi bien qu’un croissant savouré à la terrasse d’un café avec jolie vue sur la Tour Eiffel étincelante.