Fresques Historiques et expressionnisme allemand
Au début du XXème siècle, la fresque historique apparaît. Mélodrames, guerres civiles, Histoire avec un grand H, le cinéma se lance désormais dans des histoires vraies, longues, souvent grandioses.
En 1915, David Wark Griffith signe The Birth of a Nation. 1860, en Amérique, la guerre civile déchire le pays. Évocation grandiose de la guerre de Sécession, le succès public considérable de ce film n’aura d’équivalent, au parlant, que celui d’Autant en Emporte le Vent. Cette fresque historique affiche néanmoins une sympathie évidente pour les sudistes et les actions menées par Ku Klux Klan, déchaînant ainsi les passions, il sera boycotté dans plusieurs Etats. Accusé de faire ouvertement l’apologie de l’esclavage, Griffith s’en défendra, affirmant qu’il n’avait fait que traduire la réalité historique. Pour prouver ses convictions humanistes, il entreprend l’année suivante une fresque pacifiste : Intolérance.
En 1919, la grande époque du cinéma allemand prend son envol avec le fameux Cabinet du Docteur Caligari. Il nous précipite dans un monde de pur cauchemar, qui s’accorde à l’instabilité politique du moment : murs envahis de graffiti, immeubles obliques, personnages hallucinés… A la différence des rassurantes fantasmagories de Méliès, on évolue dans une angoisse métaphysique. Ce qui aurait pu être une entreprise unique, une expérience Kafkaïenne isolée, marquera le début d’un courant qui irriguera toute l’Histoire du Cinéma. Le Cinéma peut transcender la réalité et se détacher de sa plate illustration, laissant la part belle à l’imagination angoissante.
Peinture, littérature, théâtre et poésie suivront cette disposition naturelle de l’esprit allemand à prévaloir les idées et les sentiments les plus singuliers aux impressions vulgaires et banales reçues par les sens. Se détacher de la nature et laisser libre cours au fantasme idéographique, se laisser dominer par l’expression créatrice, exceller dans la déformation, la symbolique visuelle, plonger dans l’obscur et l’indéterminé, accabler les personnages par leur environnement, par la fatalité, le tout agité par le silence écrasant du « muet ».
Friedrich Wilhelm Murnau, connu entre autres pour son Nosferatu le vampire de 1922, sera le poète de l’expressionnisme, Fritz Lang et son Metropolis, son architecte. Aux abysses démesurés et aux brumes romantiques du premier répondent le béton armé et la sévérité glaciale du second.
A l’aube des années 30, l’expressionnisme allemand meurt doucement. M le Maudit sera, avec L’Ange Bleu, l’une des dernières oeuvres glorieuses du mouvement.
L’arrivée d’Hitler au pouvoir tarit une inspiration jugée douteuse et décadente.