Nightmare Alley – Freaks and geeks

Une fois n’est pas coutume, il n’y pas de fantastique dans le dernier Del Toro. Dans l’Amérique des années 40, un beau mec dans une mauvaise passe se retrouve à faire un petit boulot dans un cirque itinérant, où le boss sert sur un plateau d’argent ses freaks à des clients émerveillés. Casting époustouflant, splendide ambiance Art Déco mêlée à celle plus sombre des films noirs des années 40, image léchée et scénario travaillé, le film a tout pour plaire. Guillermo Del Toro a réussi en quelques années à se faire une place dans le 7ème art, j’ai du mal à accoler l’adjectif de choix tant sa filmographie est inégale. A coté de noms de films subjugants s’en collent d’autres parfois affligeants. Difficile alors de dire qu’il s’agit d’une référence, mais dans ma tête son nom continue à résonner comme celui d’un réal de talent.

A première vue, sans connaître le synopsis on se dit chouette, un film qui réunit des grands, Cate Blanchett, Bradley Cooper, Toni Colette, Willem Dafoe, pour n’en citer que quelques uns, le tout la sauce film noir années 40. Mais la sauce peine à prendre justement. Le film se regarde tout de même mais l’inégalité de Del Toro dans ses oeuvres se ressent vraiment et on se rapproche plus d’un Crimson Peak que d’un Labyrinthe de Pan. C’est bien triste car le film a ce côté captivant à bien des égards, notamment avec son cirque envoûtant, ses décors et ses images somptueux, mais finalement le film s’enlise dans sa superficialité et ce côté aguicheur, à l’image de son freak-show, allégorie parfaite d’une arnaque à l’américaine.

Le scénario, remake du Charlatan de 1947, tient toutefois la route et nous dépeint la descente en enfer d’un beau-gosse charismatique qui après une ascension fulgurante et un cerveau bien fait pour les méfaits, se retrouve empêtré dans sa propre ambition et dégringole de lui-même l’échelle sociale qu’il avait gravit par ses tours de passe-passe et ses arnaques bien montées. Une morale quelque peu téléphonée et pas très bien exécutée par un casting pourtant prometteur (et finalement plutôt bon).

On nage au fond en pleine réflexion de l’humain qui en se voulant complexe finit par sembler un peu trop facile, confrontés à un homme qui, au bas de l’échelle sociale se bat avec ses démons et sa culpabilité mais sans forcément la ressentir, finalement. Il tente de la dépasser pour se surpasser et atteindre la célébrité pour distancer ses inquiétudes liées à une condition sociale qu’il semble exécrer. L’atteinte d’un objectif pour soi sans se soucier du mal qu’il fait. Un thème très humain, finalement, dans lequel réside cet individualisme paroxystique qui me dégoute mais qui finalement semble parfois être au coeur de la société. Déçue je suis, mais au travers du film qui, certes promettait de grandes choses, c’est sur une désillusion plus profonde que je me penche. Chaque oeuvre artistique, toute réussie ou non qu’elle soit, permet (ou pas) de réfléchir à des considérations plus fortes. Et c’est ce que ce film a suscité chez moi. La psychologie du personnage n’est cependant pas très poussée tant elle reste flagrante tout au long du film. C’est bien là que le bas blesse car il en devient finalement une caricature.

Au fond, même si le film n’est en soi pas désagréable à regarder, c’est toute cette technique à l’image de celles des charlatans prestidigitateurs dont l’apogée résidait justement dans les années 40 et ces cirques florissants, cette rigueur rugueuse, qui encombrée de fioritures inutiles peine à émerveiller et ternit sa propre âme artistique. Finalement déçue, je n’irait pas jusqu’à dire que le film est nul mais il semble, pour moi, s’inspirer de la propre oeuvre de son créateur, inégal et somptueux, facile et complexe, magnifique et cahoteux. Finalement la question que je me pose c’est ai-je été déçue parce que j’avais trop d’attentes ou est-ce le film qui promettait de trop grandes choses qu’il n’a pas su délivrer ? L’éternel débat de l’oeuf ou la poule…