Wednesday

La Famille Addams, sorti en 1991, avait ce petit je ne sais quoi qui en faisait un pseudo film d’horreur pour enfants. Mélange improbable direz-vous, c’était plutôt un film d’épouvante pour toute la famille. J’ai un vague souvenir d’une ambiance terriblement gothique, d’une inversion totale des valeurs sociales : le mal devenant le bien, la folie la logique. La lugubre famille revient, 20 ans plus tard, produite par Netflix et réalisée en partie par Tim Burton. Sacré combo qui a propulsé la série au rang de plus attendue de l’année, avec la saison 4 de Stranger Things. Malheureusement, Wednesday peine à répondre aux attentes. Grands pouvoirs, grandes responsabilités, tout ça tout ça…

Sur le papier, difficile de faire plus alléchant comme proposition d’une revisite du mythe gothique de la famille Addams à travers l’adolescence compliquée d’une gamine asociale, produite par Netflix (ce qui n’est cependant pas forcément signe avant-coureur de perfection…) et réalisée par le maître incontesté de l’horreur enfantine et de l’univers gothique. Sur le papier seulement, alors. J’ai regardé la saison 1 d’une traite ceci dit, la série se laisse regarder. Mais dès les prémices et les premiers épisodes on peut sentir que la série ne sera pas à la hauteur de nos attentes. Parce que oui, des attentes, on en avait.

Mercredi et la vie pas si sauvage

Le postulat de départ est simple, Mercredi Addams, marginale paria auto-proclamée, se fait exclure de son lycée et se retrouve donc dans un établissement spécialisé pour ados rejetés de la société. On y retrouve alors des loups-garous, des sirènes et j’en passe, et une Mercredi et ses visions prémonitoires qui ne souhaite qu’une chose : s’enfuir.

Entre temps des meurtres étranges surviennent et Mercredi décide de résoudre le mystère. Voilà. Entre l’univers très teen movie à la Harry Potter (attention, j’adore Harry Potter mais ce n’est pas forcément l’univers auquel je m’attendais pour la série.), l’intrigue un peu surfaite, et les bons sentiments qui finalement sont aux antipodes de l’idée même qu’on se fait de la famille Addams, difficile de cacher sa déception.

Mercredi, archétype de la gamine rebelle, revêche et légèrement psychotique, devient une sorte d’ado mal aisée, contrainte à socialiser avec sa coloc d’internat. Si de prime abord elle rejette toute forme d’intégration avec ses camarades – tout aussi fucked up qu’elle d’ailleurs-, elle finit au fil de la saison par devenir plus lisse et moins maussade. Mais c’est tout le macabre de la famille Addams qui est de fait laissé de côté pour parler à une cible adolescente de 2022 qui finalement ne connaît pas vraiment ces personnages anthologiques.

L’amie prodigieuse

Evidemment, comme dit plus haut, sa réputation la précède. Mercredi, outcast parmi les outcast, peine à se lier d’amitié avec ses camarades. Notamment avec sa colloc donc, Enid, une ado haute en couleurs, très girly, aux antipodes de l’héroïne, all black revendiquée qui n’aime personne à part elle-même.

Mais, attention spoilers, elle finira par s’attacher à son groupe d’amis et l’amitié triomphera du mal. C’est finalement une ode à l’amour qu’on peut se porter entre amis et l’amitié prime sur l’amour romantique puisque les relations amicales sont totalement centrales dans la série. L’amour romantique n’a pas sa place dans cette première saison, même s’il pointe le bout de son nez, et ça fait plaisir au fond qu’une série de grande envergure mette l’amitié à l’honneur. On sort enfin, depuis quelques années, de cette impression presque indélébile (et un peu débile ?) que l’amour nous sauvera tous et que nous sommes perdus sans lui. L’amour certes, mais l’amour de soi, l’amour des autres, pas ce fameux prince charmant sur son fier destrier qui nous sortira des griffes d’une belle-mère arrogante.

D’apparence hargneuse, Mercredi est en fait loyale, et finit par s’attendrir face à des êtres qui lui apportent ce dont elle a besoin au fond d’elle. Car l’amour de soi n’est pas suffisant, aimer les autres et être aimé des autres apporte à nos cœurs et à nos vies ce truc en plus qui fait qu’elles valent d’être vécues.

L’ombre d’un doute

Voilà du coup, je suis mitigée après le visionnage de cette série. Tellement mitigée qu’il m’aura fallu réécrire cet article 3 fois. L’image est splendide, l’univers magnifique, la série a la vibe mélangée d’un Harry Potter et d’une Ecole du Bien et du Mal (dispo sur Netflix, ça se regarde mais c’est clairement pas transcendant). Le merveilleux et la fantaisie sont sublimés dans leur ensemble. Esthétiquement donc, c’est réussi. Jenna joue somptueusement bien, de toute façon je l’aime d’amour depuis que je l’ai découverte dans You, tellement que dès qu’un film sort avec elle je ne peux m’empêcher d’aller le voir (oui oui même Scream… erreur monumentale). Au-delà de Jenna c’est l’intégralité du cast qui est parfait. En vrai la série aurait carrément pu être un sans faute.

MAIS… L’univers, malgré quelques aspects dark, est finalement beaucoup trop lissé pour en faire une série Netflix 2022. Malgré une histoire globale plutôt intéressante, le développement du scénar est pas ouf car il prend trop des tournants teen série. Après ne nous méprenons pas, j’adore (j’avoue) les teen séries ou teen movies malgré que je ne sois absolument pas le cœur de cible on va pas se mentir. Je les aime d’autant plus lorsque l’univers associé est fantaisiste et merveilleux, teinté d’enquête mystérieuse. Par contre, je pense que j’aurais plus apprécié la série si elle n’avait pas claironné son lien de parenté avec la famille Adams parce qu’à part le fait que le personnage principal soit la fille de la famille et que la chose se balade partout, honnêtement j’ai un peu du mal à capter le lien.

Dans une volonté de dépoussiérer l’esprit âcre de la famille, Netflix lisse tout ça pour donner une série proprette aux accents légèrement sombre plus teen et drama que dark et creepy. Mention tout de même spéciale à Jenna Ortega qui n’en finit plus d’envahir nos écrans pour notre plus grand plaisir car, en plus d’être sublime, elle est quand même assez douée. Anyway, la série est au final plutôt cool, se regarde et s’apprécie sans grands problèmes et sans être extraordinaire elle a quand même des aspects qui lui donnent des airs de grande.