Nos Futurs

J’avoue j’ai découvert Rémi Bezançon sur le tard, mais c’était le premier jour du reste de ma vie. J’ai découvert son univers cinématographique teinté de nostalgie, de cette tristesse mélancolique et romantique, sans fioritures et avec beaucoup d’humour. Un univers bien à lui qui sait capter ces moments de vie précieux et imparfaits, parfois anodins et ordinaires mais bien souvent magiques, surprenants et romanesques.

D’après le synopsis, nous voici donc plongés dans la sympathique histoire de deux amis d’enfance, qui s’étaient perdus de vue depuis le lycée et qui se retrouvent et partent en quête de leurs souvenirs…

Les deux amis d’enfance c’est Yann (Pierre Rochefort) et Thomas (Pio Marmaï). Yann est un trentenaire désabusé qui s’emmerde cruellement dans sa vie grise et dans son job terne de directeur de boîte de courtage d’assurance. Marié à Estelle, magnifique Mélanie Bernier en femme un peu paumée qui tente de garder le cap sur un navire en pleine tempête, il semble mener la grande vie mais s’est finalement enlisé dans une vie proprette et lisse, très loin de ce qu’il a dû s’imaginer enfant. Thomas, lui, est resté le même, comme figé dans le souvenir d’une vie passée. Même look, même taff, même chambre de bonne, même vin pas très cher mais imbuvable. Il a gardé son minitel qu’il préfère à Internet et roule toujours en moto ornée du fameux slogan punk No Future.

L’un, devenu vieux avant l’heure et l’autre, resté jeune à jamais, les deux tout aussi déroutants dans leur sinistre dégaine. Puis, finalement, les souvenirs d’une vie passée, cette nostalgie envoûtante et, surtout, cette superbe amitié qui les unit toujours les poussent à dépasser leurs différences et à trouver la faille qui leur permettra d’aller de l’avant.

Si tout porte à croire qu’il s’agit là d’une bonne comédie à la française avec situations cocasses et références pop culture, avec tout de même cette pointe de nostalgie, nos années lycées, cette vie connue et ces mélodies qu’on aime et qui font, bien souvent, la force des films de Bezançon, finalement on réalise que le film est bien plus que ça. Avec ses flashbacks qui vont ravir les trentenaires que nous sommes, le film se construit autour d’un duo extraordinaire, incarné à la perfection par Pio Marmaï, l’acteur fétiche, et Pierre Rochefort. Car si le film est beau c’est aussi grâce à son casting et, également, cette ribambelle de seconds rôles qui, sous les traits, entre autres, d’un Kyan Khojandi et d’une Camille Cottin, semble viser à dédramatiser avec leur réputation de comiques venus tout droit de Canal+.

Et c’est avec brio, comme d’habitude, que Rémi Bezançon opère son virage à 180 degrés pour nous plonger de la comédie au drame et du rire aux larmes. Au détour de chansons punks et de souvenirs d’ados, son film, qui prend des allures de road movie touchant et bourré de sensibilité, aborde des thèmes plus sérieux comme la mort, le déni ou encore l’amitié profonde, avec cette intelligence exceptionnelle qui font de lui, sans aucun doute, un grand nom du cinéma français.