Sermons de minuit, l’enfer est pavé de bonnes intentions…

Une communauté insulaire se retrouve secouée dans son intégralité et son intégrité par des miracles et de sombres événements avec l’arrivée d’un mystérieux prêtre.

Ça fait un petit bout de temps que j’ai vu cette série mais je n’avais pas encore repris l’écriture donc je vais tenter d’être claire dans ma tête et dans ma rédaction. J’ai donc visionné cette mini-série en plusieurs étapes. Au début j’ai regardé le premier épisode en me disant, chouette, la nouvelle de Flanaghan, valeur sûre Netflix (puisque depuis quelques années il oeuvre essentiellement sur la plateforme) en ce qui concerne l’horreur philosophique au format mini-série, perso j’adore. J’ai du coup pratiqué le délit de faciès inversé (ça se dit ? On va dire que oui.). En regardant le premier épisode, de manière totalement décousue on va pas se mentir, je me suis dit « mais WTF, c’est quoi ça ? Il nous avait habitués à mieux ». Parce que l’intrigue met du temps à se mettre en place. En effet le premier épisode n’est pas hyper rythmé, on se demande même pourquoi on l’a lancé. Comme parfois (mais pas tout le temps), je ne fais pas preuve de résistance, j’ai simplement stoppé le visionnage… Puis j’ai vu The Midnight Club, que j’ai trouvé sympa, donc je me suis dit, allez, on va lui redonner une chance.

Mike et l’horreur philosophique

Avec chacune de ses séries horrifiques, Flanaghan nous offre une réflexion sur les drames d’une vie. Avec The Haunting of Hill House on abordait le thème du deuil. Avec Haunting of Bly Manor il me semble que l’amour était aux premières loges. Avec The Midnight Club c’est la peur de la mort et de la maladie qui prime. Et avec Midnight Mass, c’est le thème de la foi qui est décortiqué. Jusqu’où pouvons-nous aller pour nos croyances religieuses et nos croyances tout court, finalement. A priori, si on en croit la série, loin, très loin.

J’ai donc décidé de redonner une chance à la série et j’ai bien fait : c’est une des plus réussie et aboutie que j’ai eu l’occasion de voir ces dernières années. Déjà j’ai une affection toute particulière pour les mini-séries ou les anthologies : je me suis trop cassé les dents sur des séries que j’aimais bien et qui ont été avortées avant la fin faute d’audience ou je ne sais quoi. Du coup, chat échaudé craint l’eau froide comme on dit, j’essaie d’éviter les séries à rallonge (enfin c’est ce que je dis mais j’ai encore tendance à me lancer à coeur perdu dans des bails sans fin). Et là, je saurais pas exactement dire pourquoi cette mini-série est, à mon sens, extraordinaire, mais je pense que c’est justement dans le fait que l’intrigue mette autant de temps à s’instaurer que réside la grandeur de l’oeuvre.

Si elle met un certain temps à s’accélérer, il n’empêche que l’angoisse reste palpable tout au long que la série avance. Evidemment, comme toute oeuvre horrifique, lente qui plus est, tout se passe pendant les deux derniers épisodes. Et quels épisodes mes amis, j’en suis encore toute retournée. Tellement retournée je fus qu’à la fin de la série je l’ai relancée again. Parce que vraiment, c’est une sacrée claque que je me suis prise en pleine face. Quand je pense que j’ai failli passer à côté.

Bon là, clairement, je vous ai fait part de mon ressenti totalement émotionnel de la série. Je vais tenter (mais c’est très dur, surtout quand l’émotionnel prend le dessus sur le rationnel) d’expliquer de manière intelligente et intelligible ce que la série a à raconter.

Les voies du seigneur sont impénétrables

Avec un superbe casting, le créateur (de la série, hein) semble questionner la pertinence de la foi et des passions qu’elle suscite. Finalement, le surnaturel s’immisce gentiment et de manière pernicieuse dans une communauté insulaire ultra pieuse à mesure que la domination religieuse prend un tournant de plus en plus oppressant. Les questions fusent, sur la mort notamment, à mesure que les destins s’étiolent et s’imbriquent de plus en plus avec le culte et l’adoration divine.

Les personnages, portés par un casting d’une merveilleuse justesse, sont tous sublimés par leur terrible fragilité. Une fragilité humaine qui m’empêche de les pointer du doigt (sauf peut-être cette mégère bigote interprété par la très douée Samantha Sloyan). Tout semble résider dans l’interprétation sans fausse note du prêtre exalté par Hamish Linklater, qui en croyant et voulant bien faire apporte l’enfer sur Crockett Island. Et ce prêtre, pourtant instigateur du malheur ambiant, m’a effroyablement touchée dans sa vulnérabilité, même si teintée d’un égoïsme latent.

Le héros (à priori), celui avec qui tout démarre, mais qui finalement n’est qu’un pion dans l’échiquier de l’histoire, nous démontre d’ailleurs avec finesse que tout n’est pas bien ou mal, noir ou blanc, et qu’il y a des strates bien plus complexes que la surface superficielle et visible au premier regard dans le jugement que l’on peut se faire d’une personne. Je ne vais pas m’arrêter sur tous les personnages mais la conclusion que j’en ai est que la vie et les gens sont bien plus subtils que ce qu’il n’y parait souvent au premier coup d’oeil.

Ce n’est donc plus un secret pour personne, Midnight Mass dénonce les dangers du fanatisme religieux. Des questions sociétales sont également à l’honneur, comme le racisme et le handicap, que certains targueront de caricaturales, mais finalement est-ce vraiment une caricature quand on voit la société actuelle ? N’oublions pas non plus que nous sommes dans une petite bourgade insulaire du fin fond des Etats-Unis. Caricature, je n’en suis pas sure…

Je vais m’arrêter là parce que je sens que mes élans vont me pousser à spoiler et ce serait vraiment dommage tant la série est une merveille scénaristique et une beauté presque onirique. Tout ce que j’ai à dire c’est qu’elle vaut le détour !