Unorthodox, la mini-série qui te file une sacrée claque

Il y a de ces films ou de ses séries, ou encore des bouquins, qui n’ont rien d’ordinaire. On parle de ces œuvres qui font réfléchir, qui font pleurer et rire, qui donnent envie de chanter et sourire. En somme qui bouleversent ta vie. En général on les compte sur les doigts d’une main ces oeuvres qui tiennent cette place dans ta vie.

Je ne saurais pas dire si Unorthodox a cette place encore mais, adapté de la vie réelle de Déborah Feldman, ce mini-thriller allemand, estampillé Netflix, saura susciter en la plupart d’entre nous une ribambelle d’émotions.

Esther Shapiro, juive ultra orthodoxe Hassidim de New-York, mariée de force et vouée à procréer, s’enfuit de sa communauté pour rejoindre Berlin, où sa mère vit avec une femme, et découvre une vie nouvelle, aussi effrayante qu’attirante. Mini-série, en quatre épisodes, à couper le souffle où suspense côtoie brillamment romantisme.

Ce passé qui t’empêche de t’accomplir

Dans cette série deux notions sortent clairement, dès le début, celles du passé et de blocage. Étroitement liées, elles crèvent autant l’écran que Shira Haas qui interprète Esther, fluette et fragile à bien des niveaux.

Esty est bloquée, bloquée par le poids de la responsabilité, de la culpabilité, par le poids du passé historique de sa famille morte dans les camps, bloquée par une vision du monde à travers un prisme biaisé et hors de la réalité. Un passé qui par moments la rattrape mais qu’elle tente par dessus tout de dépasser pour s’accomplir en tant que femme et en tant que personne.

Et avec cette phrase toute simple « God expected too much of me… Now I need to find my own path. » elle semble nous dire, nous qui n’avons absolument pas vécu un dixième de sa vie, « débarrasse-toi du passé qui t’encombre pour embrasser un futur qui t’incombe ».

S’accomplir en tant que femme


Et cette mini-série donne évidemment à réfléchir sur beaucoup de sujets. Notamment l’accomplissement de soi. Commencer par rentrer dans un moule, auquel on aspire tous à un moment donné. Se marier, avoir des enfants. C’est comme ça que l’on devient femme, semblerait-il. Vivre sa nouvelle vie de femme mariée, en être fière, fonder une famille. Une femme accomplie à travers les codes d’une société aux moeurs ancrées dans une logique passée.

S’accomplir c’est aussi, et surtout, être en accord avec soi-même. Et c’est alors qu’Esther quitte ce monde inadéquat et commence à s’affirmer peu à peu. Ce qui semble être une solution facile, fuir, peut parfois être plus difficile et courageux qu’il n’y parait. Décider que nous ne sommes pas faits pour ce carcan et quitter ce qui nous rassure. Quitter ces règles strictes et imposées pour laisser libre court à ce que l’on est au plus profond de soi. Les règles sont parfois faites pour être transgresser pour pouvoir enfin se transcender et créer la beauté.

Des sacrifices, mais jusqu’à quel point ?


Des sacrifices il y en a un paquet ici. Esther se sacrifie elle-même, pour le bien de son mari, de sa communauté. Elle vit avec un poids permanent sur ses frêles épaules. Le poids de la culpabilité quand elle ne parvient pas à avoir un enfant, ni même à avoir de rapports avec son mari. Ca lui fait mal.

Arrive alors, subtilement, une notion qu’on connaît toutes d’une façon ou d’une autre : le viol. Et oui, le viol conjugal existe aussi. Et ce terme, qui vient de violence, ne s’arrête généralement pas à l’acte en lui-même mais a ce pouvoir qu’on lui donne de nous suivre toute notre vie. Par le silence qu’on s’impose, par la honte ressentie, par l’incompréhension des autres.

Mais le viol n’est pas uniquement sexuel. D’autant plus ici, dans cette série qui met en exergue cette communauté hassidique très stricte, dont les préceptes bibliques rappellent tristement ceux de Handmaid’s Tale. Viol de liberté, viol de la personnalité, une violence extrême qui prend une place de plus en plus présente au cours de l’évolution du personnage. Plus elle devient libre plus on comprend d’où elle vient, notamment grâce aux flashbacks de sa vie d’avant.

Esty s’est enfuie, certes, mais n’a pas rejeté totalement cette communauté. Et on la surprend parfois en train de défendre ce qui nous semble indéfendable. Elle a, encore une fois sacrifié une grande partie de sa vie, 19 années, pour mieux avancer.

Sa grand-mère, Bubba en yiddish, qui l’a élevée et qu’elle aime énormément, a cette place très importante. Lors de ses pérégrinations berlinoises, à un moment de faiblesse intense, elle tente de se rapprocher de cette grand-mère qu’elle aime tant. Et elle se retrouve face à un mur. Un mur qui regrette ensuite, car se faire rejeter fait mal, très mal, mais rejeter peut aussi, parfois, être très douloureux.

Célébrer la beauté


En quatre épisodes de 50 minutes environ nous voilà confrontés à la beauté. Quitter un foyer rassurant par certains aspect pour entrer de plein fouet dans une beauté non maîtrisée. La ville est belle, la musique est belle, les gens sont beaux. L’individualité aussi a ceci de joli qu’elle crée l’humanité toute entière et dépasse l’imaginaire pour réaliser un tout magnifique.

Lorsqu’elle arrive à Berlin, Esty se retrouve propulsée dans l’univers de la musique classique, magnifique. Dans un conservatoire de haute niveau, un professeur émérite semble dire avec justesse que trop réfléchir détruit la beauté. Se laisser aller, se laisser porter par l’art s’il sait nous parler. Transgresser pour se transcender…